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7 avril 2012 6 07 /04 /avril /2012 18:23
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Il convient de rappeler que le concept du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a connu une première formulation politique par le président des États-Unis d'Amérique Wilson dans ses quatorze points, à la fin de la Première Guerre mondiale. Ces quatorze points ont servi  de base au traité de Versailles pour la définition des frontières de l'Europe centrale. L'application du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a pourtant été  refusée aux peuples vaincus (Allemands d'Autriche, Hongrois…) ou non-représentés dans les instances internationales (Ukrainiens, Irlandais…). Bien plus, les peuples colonisés n'en bénéficièrent pas. En effet l'article 22 du Pacte de la Société des Nations  a repris  le principe d'une "mission sacrée de colonisation". Sur cette base a été introduit le système du mandat qui a permis de soumettre des peuples, communautés et territoires à la tutelle des "nations civilisées".

Les mandats sur les dépouilles de l’empire ottoman au Proche Orient et du deuxième empire allemand en Afrique furent attribués à des puissances mandataires  qui assuraient l'administration des territoires. À l'exception des mandats  utilisés pour des "communautés" déjà dotées d'une constitution (mandat de la France sur la Syrie et le Liban, mandat du  Royaume Uni sur la Palestine, Irak, Transjordanie) et appelées à accéder rapidement à l'indépendance, le système des mandats s'opposait donc radicalement au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, tant en principe qu'en fait, les mandats étant très difficilement révocables. L'idéalisme wilsonien ne visait en aucun cas à mettre en place la décolonisation.

Ce n’est qu’à  la fin de la Seconde guerre mondiale  que le concept a été  introduit dans les règles du droit international et de la diplomatie par les signataires de la charte des Nations unies, en 1945 qui réaffirme le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Cependant,  malgré ces déclarations d'intention de la communauté internationale, nombre de pays et de peuples restaient  sous la sujétion coloniale. Il faut attendre le vote le 14 décembre 1960 de la résolution 1514 de l’Assemblée Générale de l’ONU dite « Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux » Bien que dénuée de valeur obligatoire, celle-ci réaffirme avec vigueur le droit à l'autodétermination. Mais en même temps cette résolution pose deux principes qui limitent ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes :

1. Le principe de l’intégrité territoriale et de l’intangibilité des frontières qui interdit toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l'unité nationale et l'intégrité territoriale d'un pays.

2. Le principe de non-ingérence qui interdit aux Nations Unies toute intervention  dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État.  Seules deux exceptions ont par la suite permis de contourner cette règle ; dans le cas de menace contre la paix  ou de non-respect des droits de l’homme, le droit international autorise de façon partielle et contrôlée l'intervention internationale dans les affaires d'un État souverain, c’est « l’ingérence humanitaire »  mais cette aide extérieure est  exclue pour un peuple tentant  d'accéder à l'indépendance ou tenter de renverser le gouvernement en place.

Suite à la « guerre des sables » entre le Maroc et l'Algérie, l'Organisation de l'unité africaine a décidé en 1964 que le principe de l'intangibilité des frontières coloniales serait appliqué à travers toute l'Afrique.

Bien que le cas français illustre également parfaitement la réticence des Etats-Nations à reconnaître le statut de "peuple" à des minorités régionales ( une décision  du 9 mai 1991 de son  Conseil constitutionnel a jugé que la mention faite par le législateur du « peuple corse, composante du peuple français » était contraire à la Constitution, laquelle ne reconnaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion), c’est très contradictoirement que la France, s’est faite l’avocate des entorse récentes au premier principe de l’intégrité et de l’intangibilité des frontières en mettant en avant l’exception au deuxième principe de non-ingérence à savoir le droit d’ingérence humanitaire mais en  le détournant sciemment pour accorder l’indépendance à une région en Europe puis renverser un gouvernement en Afrique.

En effet alors que le principe de l’intégrité territoriale et de l’intangibilité des frontières devait  être appliqué aux nouveaux états indépendants des anciennes Union soviétique et Yougoslavie, la France a défendu l’indépendance du Kosovo alors pourtant que bon nombre d’autres Etats membres de l’Union Européenne y étaient et y restent opposés et surtout qu’un membre permanent européen du Conseil de Sécurité de l’ONU, la Russie y était farouchement opposé.

Seconde entorse cette fois en Afrique au principe de l’intégrité et de l’intangibilité des frontières avec la reconnaissance de l’indépendance de l’Erythrée après une guerre civile terminée en 1991 par la victoire des troupes érythréennes  alors pourtant qu’en 1952, les Nations Unies avaient décidé  de former une fédération entre l’Ethiopie  et l'Érythrée.

Plus récemment en 2011, utilisant le même stratagème que pour le Kosovo, et profitant cette fois de l’abstention de la Russie et de la Chine, la France emmenant avec elle ses deux alliés anglo-saxons membres également permanents du Conseil  les a amenés à outrepasser le mandat donné en aidant militairement une partie du peuple libyen contre une autre pour renverser un gouvernement en place jusqu’alors reconnu par elle au surplus sans pouvoir aucunement d’ailleurs s’assurer préalablement que la partie aidée était majoritaire et prenant la responsabilité d’une probable guerre civile dont les conséquences se font sentir aujourdhui.

Nouvelle entorse à nouveau en Afrique, à la suite d’un référendum d'autodétermination organisé du 9 au 15 janvier 2011, le Soudan du Sud a voté la sécession et avant même son indépendance officielle proclamée le 9 juillet 2011, le nouvel État a été reconnu dès le 8 juillet 2011 par l' Allemagne et une semaine après son indépendance, l’ancien conseiller fédéral Suisse Joseph Deiss, président de l'Assemblée des Nations Unies a déclaré, après un vote par acclamation, la République du Soudan du Sud  officiellement le 193e État membre de l’ONU.

On rappellera d’ailleurs qu’une autre conseillère fédérale de la Confédération Suisse qui revendique pourtant toujours sa neutralité, Madame Calmi-Rey, s’était félicitée que son pays soit un des tous premiers à reconnaitre l’indépendance du Kosovo.

On ne sera donc pas  dès lors surpris que très récemment cette année pour tenter de régler le problème de la partition de fait de Chypre depuis 1974 que non seulement l’ONU  mais l’Union Européenne (dont cet Etat est membre depuis  2004  et qui prendra la présidence de l’Union au 1er juillet 2012) se sont montrés parfaitement incapables de résoudre, le ministre turc des affaires européennes, M. Egemen Bagis, vienne d'évoquer comme  option possible  la  partition de droit de cet Etat  avec une éventuelle  annexion par la Turquie et pourquoi pas par la Grèce ( projet à l’origine de la partition de fait).

On ne peut davantage s’étonner qu’encore plus récemment ce 6 avril 2012, l’Azawad ait proclamé son indépendance du Mali.

Peut-on sérieusement, après le mauvais exemple donné en Europe notamment par une ancienne puissance coloniale, membre permanent du Conseil de Sécurité,  la France, en appuyant la volonté d’indépendance du Kosovo, puis après avoir reconnu l’indépendance de l’Erythrée puis celle du Soudan, proclamer haut et fort encore le principe de l’intangibilité des frontières pour s’opposer à la déclaration d’indépendance de l’Azawad ?

Le  principe de l’intangibilité des frontières a vécu tant en Europe qu’en Afrique voire sur le plan mondial !

Tant en Europe qu’en Afrique, les obstacles au développement du séparatisme et à l’irrédentisme se trouvent  levés par une certaine incohérence de la diplomatie notamment de certains membres occidentaux du Conseil de Sécurité ; cela n’est pas forcément un mal !

En revanche l’Union Européenne serait bien avisée de réfléchir rapidement à la manière de résoudre le problème des frontières nationales souvent  arbitraires  imposées depuis près d’ un siècle ou plus  en Europe et depuis un demi-siècle en Afrique en convoquant préventivement un nouveau « Congrès de Vienne » pour l’Europe et un  Congrès Europe-Afrique pour l’Afrique avant que ne s’imposent violemment de nouvelles frontières.

 

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