On peut très raisonnablement penser que la partie de l’Ukraine située à l’Ouest du Dniepr et qui n’en fait partie que depuis peu, n’intéresse pas le Président Poutine qui doit considérer qu’elle n’est pas peuplée de Russes mais majoritairement d’ex-Polonais, Lituaniens, Austro-Hongrois et dont la jeunesse, née après la chute de l’Union Soviétique, est largement européanisée sinon américanisée et irrécupérable.
On peut donc également penser que si le conflit semble trainer, c’est parce que le Président Poutine veut pousser à l’émigration vers l’Union Européenne de toute ces populations de l’Est du Dniepr indésirables soit non russophones soit non russophiles afin de parvenir à une homogénéisation de sa population.
Or ceci passe non seulement par une rerussification intégrale de l’Est du Dniepr mais également par une homogénéisation sur le plan religieux.
Or il existe actuellement 4 églises ukrainiennes de rite orientale byzantin.
.l’Eglise orthodoxe du Patriarcat de Moscou (EOU-PM), avec 50 diocèses majoritairement à l’est du Dniepr
.l’Eglise orthodoxe du Patriarcat de Kiev (Kyïv) (EOU-PK), constituée en 1992 avec l’indépendance.
.l’Eglise orthodoxe d’Ukraine autocéphale fondée en 2018 à la demande du président ukrainien, Petro Porochenko, et de la Rada.
.l’Eglise gréco-catholique (EGCU).
Mise à part cette dernière peu présente à l’Est du Dniepr rattachée à Rome pour des raisons historiques remontant au rattachement de la partie à l’Ouest du Dniepr à la Pologne et à la Lituanie, l’Est compte depuis 2018, trois églises orthodoxes rivales.
En effet en octobre 2018, le patriarcat œcuménique de Constantinople a décidé d'affirmer sa juridiction sur l'Ukraine Le 11 octobre 2018, le patriarcat œcuménique de Constantinople a reconnu l'autocéphalie de l’ Église orthodoxe d’ Ukraine sous sa juridiction provoquant un schisme avec le patriarcat de Moscou. Et en décembre 2018, l'Église orthodoxe ukrainienne (patriarcat de Kiev) s’est fondue avec l'Église orthodoxe autocéphale d'Ukraine lors d'un concile d'unification. À la suite de cette décision du Patriarcat œcuménique de Constantinople du 11 octobre 2018 d'accorder l'autocéphalie aux orthodoxes d'Ukraine, les différentes églises orthodoxes du pays — surtout celles qui n'étaient jusque-là reconnues par aucune église autocéphale — se sont réunies dans la cathédrale Sainte-Sophie de Kiev pour un concile de réunification.
Mais le 20 juin 2019, un « synode local » a décrèté l'annulation de cette fusion et proclame l'indépendance de l'EOU-PK3.
L'Église orthodoxe ukrainienne (Patriarcat de Moscou) a rejeté quant à elle le concile et a interdit à son clergé d'y participer. Deux de ses évêques et quelques autres de ses représentants ont passé outre cette interdiction.
Jusqu’au conflit en cours beaucoup d’orthodoxes de l’est de l'Ukraine sont restés fidèles au Patriarcat de Moscou. Mais depuis le 24 février certains ont beaucoup de mal à admettre le soutien de Cyril à Poutine. La colère a gagné 17 ou 18 de leurs évêques sur 50 qui ont donné ordre de ne plus mentionner Kirill dans la célébration de la messe. « On ne lui a pas demandé de venir à notre secours, nous n’étions pas en danger c'est lui qui nous met en péril. » Et parmi ces évêques deux sont de rang supérieur : Onuphre métropolite de Kiev et Philarète métropolite de Lviv.
Lorsque le président russe dénonce « l’instrumentalisation du drame du schisme religieux », à quoi fait il référence ? Il existe en Ukraine quatre Églises qui ont l’ambition légitime d’incarner la nation et la tradition religieuse nationale : l’Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Moscou (EOU-PM), présente majoritairement à l’est du pays, l’Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Kiev (EOU-PK) ainsi que l’Église orthodoxe autocéphale, présentes surtout à l’ouest, et l’Église gréco-catholique (EGCU). Laquelle représente le mieux la seule et vraie « Église nationale d’Ukraine » ? La première correspond à l’Église russe, née à Kiev au Xe siècle mais développée ensuite à Moscou, érigée en patriarcat indépendant vis-à-vis de Constantinople au XVIe siècle, et dont l’Ukraine dépendait depuis le XVIIe siècle. Les trois autres assurent la continuité, au moins historique et géographique. Elles se sont créées par schisme vis-à-vis du patriarcat de Moscou, soit pour rejoindre Rome, soit récemment pour viser l’autocéphalie à leur tour.
Alors que le Kremlin et le patriarcat de Moscou continuent de se soutenir mutuellement et d’affirmer leur pouvoir, l’Église autocéphale d’Ukraine pourrait se fragiliser. Elle rencontre encore un problème de légitimation sur la scène locale et sur la scène internationale. Elle est affaiblie par des dissensions internes depuis le retrait du patriarche Philarète de l’union des orthodoxes d’Ukraine en juin 2019. Celui-ci a fait marche arrière pour conserver son patriarcat de Kiev. L’Église autocéphale d’Ukraine souffre également de l’absence de reconnaissance unanime des autres Églises orthodoxes autocéphales (seulement trois sur 14). Il y a de plus une différence entre les institutions d’État et les préférences confessionnelles locales qui dépendent davantage des traditions ou de la personnalité du prêtre que du rattachement juridictionnel. Ce sont plutôt des populations ciblées qui en font un enjeu important, comme les anciens combattants et les nationalistes. En réalité, avant 2018, sur 19.000 paroisses en Ukraine, 13.000 revenaient au patriarcat de Moscou et 6000 aux Églises autonomes. À la fin de l’année 2018, seulement 600 paroisses ont rejoint l’Église d’Ukraine, et encore parfois sous la contrainte.
Mais cette nouvelle Église a surtout perdu son soutien politique depuis l’élection de Volodymyr Zelensky en avril 2019. Le nouveau président ukrainien se moque bien de cette Église nationale que son prédécesseur Porochenko avait réussi à faire reconnaître. Alors qu’il n’était encore qu’un animateur de shows télévisés, il ne manquait pas de remplacer le terme « tomos » (le décret d’autocéphalie accordé par le patriarche de Constantinople) par « thermos »… En revanche, face à l’invasion russe, Zelensky a su revêtir le costume présidentiel. Exhortant les Ukrainiens à résister, il a appelé le 1er mars les Européens à « prouver qu’ils sont avec l’Ukraine ». « L’Europe sera beaucoup plus forte avec l’Ukraine en son sein […]. Sans vous, l’Ukraine sera seule », a- t-il ajouté en réclamant une intégration « sans délai » de son pays à l’Union européenne. Sera-ce suffisant pour déjouer les plans du président Poutine et du patriarche Kyrill ?
Restent à savoir si les dimanche 6, 13 et 20 mars beaucoup de fidèles ukrainiens à l’Est du Dniepr ont déserté les églises dépendantes du patriarcat de Moscou pour aller dans celles dépendantes du Patriarcat de Kiev ou de l’Eglise autocéphale.
Les patriarches Cyril et Bartholomé sont les premiers à le savoir !
Ce qui est d’une grande importance pour la suite des événements.