Alors que l’Alsace se bat pour rester indépendante en refusant d’appartenir à une Région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine et poursuit son projet avorté de fusion de ses deux départements, arguant à juste titre par comparaison avec l’Allemagne Fédérale voisine notamment que ce n’est pas la taille qui compte mais la puissance économique,
alors que la Bretagne manifeste elle-aussi pour obtenir le rattachement de Nantes et du département de Loire Atlantique,
que font les habitants de la Savoie, qui après avoir déjà vu leurs élus leur faire avaler la couleuvre de l’absorption par la Région Rhône-Alpes, voient leurs élus actuels, souvent toujours les mêmes qu’à l’époque, accepter le principe d’une intégration à une grande région Rhône-Alpes-Auvergne ?
Rien, ou pratiquement rien !
Si ce n’est qu’après avoir longtemps refusé de suivre l’exemple alsacien notamment en ce qui concerne leur projet de fusion des deux départements, les mêmes s’y rallient soudain avec d’autant plus d’empressement que cette fois bon nombre d’élus de base leur ont fait prendre conscience que non seulement ils pèseront encore moins dans une grande assemblée de Rhône-Alpes-Auvergne mais surtout ils perdront, avec la suppression de leurs deux départements programmés dès lors qu’ils ne constituent pas des départements ruraux susceptibles d’être maintenus, la proximité qu’ils avaient avec leurs conseillers généraux. Que peut-on attendre d’hommes politiques qui ayant fait choix d’une carrière nationale voire européenne comme des Barnier, Gaymard .. et autres qui se verraient certainement mieux à la tête d’une future Région Rhône-Alpes-Auvergne que d’un Région Savoie qui économiquement pèse pourtant autant que la Suisse Romande hors de l’Union Européenne, plus que la Slovénie ou le duché du Luxembourg et de plusieurs Etats de l’Union et plus que bon nombre de régions d’Allemagne, d’Espagne ou d’Italie… ?
Rien si ce n’est la défense de leur carrière politique personnelle !
Ce n’était certainement plus avec le projet d’amendement voué à l’échec ci-dessous défendu par Mr Gaymard que la Savoie pouvait espérer sauver sa cause :
« La parole est à M. Hervé Gaymard, pour soutenir l’amendement no 383.
M. Hervé Gaymard. Cosigné par huit des dix députés des départements de la Savoie et de la Haute-Savoie, cet amendement fait suite à l’initiative que nous avons prise avec Christian Monteil, le président du conseil général de la Haute-Savoie, de proposer la création d’une collectivité territoriale Savoie-Mont-Blanc dans le cadre de l’article 72 de la Constitution. La Savoie remonte à la plus haute Antiquité, comme aurait pu l’écrire l’Auvergnat Alexandre Vialatte. Dans la période contemporaine, elle a été française à deux reprises : de 1792 à 1815 et depuis 1860. Lors de la première période, la province de Savoie a pour l’essentiel été administrée dans le cadre d’un département qui portait le nom du Mont-Blanc. Lorsque la Savoie est redevenue française en 1860, deux départements ont été créés : la Savoie et la Haute-Savoie. Depuis cette époque et surtout depuis la décentralisation de 1982, les deux départements ont, de manière croissante, travaillé ensemble. La proposition qui vous est soumise est née de l’annonce qui a été faite d’une réforme territoriale profonde. Les deux départements savoyards appartiennent à la région Rhône-Alpes. Je le dis d’emblée : cette proposition ne tend pas à les en faire sortir. Compte tenu de la création plus que probable de la très grande région Rhône-Alpes-Auvergne, et dans un secteur composé de plusieurs villes d’une certaine importance mais dépourvu de métropole, il nous semble toutefois qu’il est nécessaire de disposer d’un échelon de proximité. Nous avons donc pensé que l’article 72 de la Constitution, déjà utilisé pour créer la collectivité rassemblant le Grand Lyon et le département du Rhône, pouvait être utilisé pour créer cette collectivité à statut particulier. Au cours du débat, monsieur le ministre, nous avons fait le tour de l’ensemble des provinces de France. « La France se nomme diversité », écrivait Fernand Braudel que l’on cite souvent à tort et à travers. Les pays de Savoie participent de cette diversité. Si la réforme, telle que vous nous la proposez, est adoptée dans son épure initiale, les Pays-de-Savoie disparaîtront puisqu’il n’y aura plus aucun centre de décision autonome, ni à Chambéry, ni à Annecy – ce qui est d’ailleurs contraire à l’esprit des lois de décentralisation de 1982. C’est la raison pour laquelle nous faisons cette proposition. Nous sommes aujourd’hui en première lecture et j’ai bien conscience que cette proposition doit être affinée dans la concertation. En ce qui concerne le régime électoral que nous pourrions mettre en place, notre amendement propose de maintenir le régime électoral de droit commun tel qu’il est issu de la dernière loi réformant le scrutin pour les élections départementales. Quant aux compétences, il nous paraît évident que certaines d’entre elles doivent être exercées à l’échelon régional. Je pense notamment aux transports, qu’ils soient ferroviaires ou routiers, car il semble que, dans la future loi sur la répartition des compétences, la région deviendra, au côté de l’État, l’autorité organisatrice de droit commun des transports. Je pense également à l’éducation, à l’emploi et à la formation : le fait que les collèges et les lycées soient gérés au niveau régional, ainsi que la formation professionnelle, nous semble une très bonne chose. Nous voulons néanmoins garder, dans l’enceinte territoriale des Pays-de-Savoie, la maîtrise d’un certain nombre de politiques. Je pense en particulier à la politique de développement économique sous tous ses aspects, qu’il s’agisse de soutien aux entreprises, de l’agriculture de montagne ou du tourisme. Ce sont d’ailleurs des compétences que nous exerçons déjà en très bonne harmonie avec la région Rhône-Alpes et, de ce point de vue, la création d’une telle collectivité territoriale ne changerait pas grand-chose à la situation actuelle. Je terminerai mon propos par une dernière remarque. Les femmes et les hommes de ces départements ont construit patiemment, depuis des décennies, notamment depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, un modèle de développement économique, social et culturel original. Nous avons la conviction qu’un certain nombre de réalisations et de caractéristiques de nos Pays-de-Savoie n’existeraient pas aujourd’hui si des initiatives n’avaient pas été prises localement, depuis Chambéry et Annecy. Au demeurant, la philosophie de la décentralisation de François Mitterrand était de faire confiance à l’inventivité territoriale. Nous voulons garder cette capacité de création, d’inventivité et d’initiative, parce que si, demain, des structures délibératives disparaissaient dans nos Pays-de-Savoie Mont-Blanc pour être transférées dans une grande assemblée qui réunirait Rhône-Alpes et l’Auvergne, avec beaucoup moins de décideurs, il n’en serait pas de même. Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous vous faisons cette proposition. Nous avons conscience que nous devons travailler ensemble et que nous allons, dans les semaines qui nous séparent de la prochaine lecture de ce projet de loi, d’abord au Sénat puis à l’Assemblée nationale, affiner ces propositions. Nous vous avons entendu au Sénat, ici en commission des lois, et dans cet hémicycle. Vous avez dit à plusieurs reprises que le Gouvernement mettait sur la table un projet de réforme territoriale global, la première phase étant le redécoupage territorial, la seconde visant à la disparition programmée des départements tels qu’ils existent aujourd’hui. Vous avez entendu la position d’un certain nombre d’élus en France – dont beaucoup appartiennent à votre majorité –, élus de secteurs ruraux ou montagnards, dans lesquels il n’y a pas de fait métropolitain. C’est dans l’état d’esprit qui semble vous animer que nous vous faisons cette proposition. Chers collègues, nous vous remercions par avance de la soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Carlos Da Silva, rapporteur.
Il faut le dire, c’est une proposition intelligente, que M. le ministre Gaymard a exposée avec calme et sérénité. Mais il reconnaît lui-même qu’elle n’est pas aboutie. Au fond, il veut prendre date, dire le travail qui a été déjà été fait et celui qui resterait à faire. Je peux simplement dire que la commission des lois a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre.
Le souhait du Gouvernement, en engageant cette réforme des collectivités territoriales, est de faire œuvre de clarification et de rationalisation. Vous proposez, monsieur Gaymard, de fusionner deux départements, ce qui pourrait, à la limite, se concevoir puisque nous aurions une collectivité locale de moins. Ce qui est plus gênant, dans l’amendement que vous présentez, c’est qu’il vise à conférer à ces deux collectivités locales fusionnées un statut particulier comparable à celui qui a été conféré à d’autres collectivités au terme de procédures législatives longues, qui ne se réduisaient à un amendement. En outre, cette collectivité locale à statut particulier se trouverait, précisément en raison de ce statut, investie de certaines compétences qui peuvent être celles des grandes régions que nous proposons de constituer. Vous feriez donc œuvre de simplification en réduisant le nombre de collectivités locales en Savoie et en Haute-Savoie, mais en complexifiant considérablement la lisibilité de l’ensemble dans la région fusionnée. De plus, je le répète, vous présentez cette proposition par le biais d’un amendement, là où d’autres opérations à statut particulier ont, compte tenu de la complexité du sujet, quasiment fait l’objet de textes de loi. Je vous propose donc, si vous en êtes d’accord, de retirer cet amendement. Nous pourrions éventuellement nous rencontrer de manière à évoquer la nature du projet. Faute de retrait, j’émettrai un avis défavorable, pour les mêmes raisons que le rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gaymard. M. Hervé Gaymard.
Je maintiens l’amendement, mais je prends acte de l’invitation du ministre à poursuivre ce travail. Mme la présidente.
La parole est à Mme Bernadette Laclais. Mme Bernadette Laclais.
Je reconnais l’innovation dont les Savoyards savent faire preuve, notamment lorsqu’il s’agit de défendre leur territoire. Je me suis toujours associée non seulement aux démarches qui visent à renforcer la mutualisation et la rationalisation, mais également à celles qui tendent à donner plus de force à nos départements de Savoie, notamment au sein de la région Rhône-Alpes où, pour y avoir siégé de nombreuses années, j’ai pu constater qu’il était parfois difficile de faire reconnaître la spécificité d’un département à la démographie peu élevée. Vous avez parlé de sa spécificité historique. On peut aussi parler de sa spécificité géographique puisque l’ensemble Pays-de-Savoie a la particularité d’être limitrophe de deux pays, ce qui est assez rare pour une région, l’Italie et la Suisse. Quant à sa spécificité économique, elle tient au fait que 50 % de son produit intérieur brut est issu des aménagements touristiques mis en place à l’initiative des collectivités, dont une que vous connaissez bien, monsieur Gaymard. Enfin, vous avez rappelé les politiques développées en matière d’agriculture comme en matière universitaire, qui font également la spécificité de ce territoire. Vous avez reconnu vous-même les limites de l’exercice auquel nous sommes soumis puisque nous sommes amenés à débattre de ce sujet dans la dernière ligne droite de cette première lecture. Le débat ne s’est pas tenu en amont, alors qu’il aurait pu l’être depuis l’annonce faite par le Premier ministre. D’où la difficulté de se positionner aujourd’hui au regard de ce choix, sur la forme. Sur le fond, je voudrais souligner une ambiguïté, que vous avez quelque peu levée dans votre propos, monsieur Gaymard. La démarche proposée s’inscrit-elle au sein de la région Rhône-Alpes ? Si vous répondez à cette question par l’affirmative, vous émettez néanmoins le souhait de voir transférer à cette entité des compétences qui sont clairement dévolues à la région ; c’est ambigu. Pour certaines compétences, la proximité pourrait être extrêmement intéressante. En revanche, dans le domaine économique, même s’il y a une spécificité des territoires de Savoie, certaines filières sont portées par la région et je vois mal à comment les choses pourraient s’articuler. Je ne souhaite pas voter contre cet amendement, s’il n’est pas retiré. Cela étant, je ne peux pas non plus y souscrire aujourd’hui, pour les raisons que je viens d’évoquer et parce que le débat doit avoir lieu, non seulement ici, dans cet hémicycle – et un amendement n’est peut-être pas la meilleure façon de le faire –, mais aussi dans nos territoires, pour bien faire comprendre les choses. Car même si les conseillers départementaux se sont exprimés, il n’en demeure pas moins que beaucoup de nos concitoyens gardent en mémoire que les deux départements n’ont pas toujours été capables d’adopter des positions communes. Je pense au débat sur la réouverture des tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus, à la liaison Lyon-Turin ou au développement de notre université, il y a quelques années de cela. Les choses se sont très nettement apaisées, sous la présidence de M. Monteil, puis sous la vôtre, monsieur Gaymard, au sein de l’assemblée des Pays-de-Savoie. Toutefois, il faut expliquer le sens de cette démarche et des politiques qui pourraient être menées entre les deux départements, car l’un d’eux reste souvent perçu, par nos voisins, comme étant un peu moins gâté, avec le sentiment qu’il pourrait être quelque peu relégué dans le cadre d’une discussion à deux. Les choses ont besoin de mûrir, d’être éclaircies, concernant notamment les intentions, mais aussi sur la possibilité d’aboutir dans le cadre de ce texte, qui vise à éviter que des collectivités se trouvent en concurrence avec la région, et à clarifier les compétences. Il est nécessaire d’avoir, sur ce point, une explication, qui soit claire pour nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy.
Je pensais que M. Gaymard, qui a défendu, au nom du groupe UMP, une motion de procédure au début de notre débat, défendrait l’idée d’une collectivité particulière pour la Savoie. Nous avons, par le biais de son amendement, un débat sur ce sujet, que je trouve intéressant, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, sur la forme. Je l’ai dit dans la discussion générale, nous, écologistes, pensons qu’il faudrait, en France, pousser plus loin l’idée, qui existe déjà, d’un statut différencié. En effet, nous avons tort de vouloir organiser les différents échelons politico-administratifs de la même façon, alors que notre territoire est extrêmement diversifié, tant du point de vue de l’histoire que de la géographie. La Savoie nous en offre, comme l’a dit Mme Laclais, un exemple extrêmement parlant puisqu’il s’agit d’une zone de montagne : on ne peut pas organiser les choses de la même façon dans une zone de montagne et dans un département comme le mien, qui est totalement plat. Pourtant, on se rallie à l’idée reçue selon laquelle la France serait uniformisée, tout le monde devant être – c’est la tradition française – soumis au même statut. C’est une pensée dominante, une pensée unique parmi les élites politico-administratives de notre pays. Or, beaucoup de statuts différenciés ont été construits au fil du temps, par le Parlement, d’ailleurs. On en a peu parlé dans ce débat, mais c’est le cas pour les outre-mer, dont personne ne conteste l’appartenance pleine et entière à la France. C’est aussi le cas pour la Corse, qui a, depuis de nombreuses années, un statut particulier. Il y a également eu des tentatives en Alsace. On vient de nous parler de la Savoie. Le président de la commission Jean-Jacques Urvoas, plaide, lui, pour une assemblée de Bretagne. M. Michel Piron. Il y a longtemps qu’on n’en avait pas parlé ! M. François de Rugy. Il a même écrit un livre sur le sujet. Sa démarche est, à bien des égards, la même que celle que vous proposez, monsieur Gaymard. J’y suis, quant à moi, tout à fait favorable car elle s’accorde au fond avec celle que nous promouvons selon laquelle les organisations institutionnelles doivent correspondre et pour ainsi dire coller aux spécificités territoriales. Il est vraiment intéressant d’entendre deux députés de la même région, du même territoire mais de deux bords politiques différents, M. Gaymard de l’UMP et Mme Laclais du PS, tenir des discours convergents. J’ai été très sensible aux difficultés dont vous avez fait part, madame Laclais, à faire entendre la voix de la Savoie au sein du conseil régional où vous avez longtemps siégé. Cela me ramène à notre texte. Il engendrera de fait des régions agrandies dans lesquelles il sera peut-être encore plus difficile de faire entendre la voix de certains territoires. Sur le fond, nous sommes pour notre part favorables à la fusion des régions et des départements, qui est inenvisageable dans le cadre de très grandes régions, je le crains. Elle aura peut-être lieu un jour en Normandie ou en Bretagne mais personne, me semble-t-il, ne plaidera pour la disparition des conseils généraux dans une grande région comme Rhône-Alpes-Auvergne ou comme Champagne-Ardennes-Lorraine-Alsace si tant est qu’elle survive aux différentes lectures du texte. Dans ces conditions, des propositions semblables à celle de M. Gaymard de simplification et de regroupement sur des bases solides et voulues par les populations, comme la fusion de deux conseils généraux dans une entité unique, me semblent intéressantes. Certes, il ne faudrait pas, comme l’a souligné Mme Laclais, qu’émerge une région dans la région, mais il est peut-être possible d’imaginer, comme le prévoit d’ailleurs le second texte de loi, que par convention la région délègue certaines de ses compétences. Enfin, je comprends la réponse de M. le ministre renvoyant la question à plus tard tout en montrant l’intérêt qu’il lui porte, car cette proposition met en lumière l’une des ambiguïtés de la démarche actuelle consistant à annoncer la suppression des conseils généraux alors même qu’en créant de grandes régions, elle aura sans doute leur survie pour conséquence.
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric Reiss.
Je soutiens la démarche originale proposée par M. Gaymard et ses collègues consistant à créer une collectivité territoriale de Savoie-Mont-Blanc. Vous vous rappelez sans doute nous avoir dit la nuit dernière, monsieur le ministre, en réponse à la proposition des Alsaciens d’une collectivité unique, dont nous savons le sort, fusionnant la région avec les deux départements, que rien n’empêche les treize députés alsaciens de proposer une collectivité au sein de la nouvelle région Champagne-Ardennes-Alsace-Lorraine en fusionnant les deux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. La démarche dont nous discutons me semble tout à fait analogue, même si la question de ce qui se passera après 2020, date de la suppression annoncée des départements, a été soulevée. M. Michel Piron. Dévitalisation ! M. Frédéric Reiss. Ce que propose M. Gaymard s’inscrit dans le droit fil de la réponse que vous nous avez faite cette nuit, monsieur le ministre. Certes, entre l’Alsace et la Savoie, nos histoires diffèrent quelque peu. L’Alsace est une plaine bordée de montagnes un peu moins hautes que celles de Savoie, mais les deux régions présentent des identités fortes et des spécificités marquées. Je soutiens donc la démarche et d’après ce que j’ai compris, monsieur le ministre, vous ne fermez pas tout à fait la porte. Bien entendu, nous sommes prêts à travailler à une proposition constructive qui nous intéresse.
M. Claude Sturni. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.
M. Jean-Christophe Fromantin.
L’initiative présentée par l’amendement dont nous débattons est intéressante car elle nous mène dans un mode qui n’est pas statutaire, réglementaire ou d’imagination d’une collectivité particulière. Au contraire, elle nous amène à réfléchir à un projet et place le mode projet au cœur de notre débat. En l’espèce, le projet présente une cohérence pour des raisons économiques, sociales et territoriales. Ce territoire de projet me semble extrêmement intéressant. En outre, cette proposition offre l’occasion de réfléchir à la contractualisation, qui n’a rien d’incompatible avec notre texte et l’actualité des grandes régions. Pour autant qu’un territoire, comme c’est le cas de celui dont nous parlons, présente justement la particularité de faire l’objet d’un projet de territoire durable et pertinent, nous aurions tout avantage à imaginer des formes contractuelles. Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron. M. Michel Piron. Je trouve en effet l’amendement intéressant, pour des raisons tout à fait différentes de celles exposées par M. de Rugy, on le comprendra aisément, et qui sont plus proches de celles que vient d’exposer mon collègue M. Fromantin. Premièrement, nous sommes en effet en présence de deux départements présentant une forte spécificité qui ne proposent ni de remettre en cause ni le périmètre régional ni la région à l’intérieur desquels ils se trouvent. Ils proposent une formule originale de collectivité en fusionnant deux autres et susceptible de contractualiser par subsidiarité avec la région. En gardant à l’esprit que l’amendement est sans doute un amendement d’appel, j’y lis que « des aménagements sont précisés par la loi pour ce qui concerne notamment les routes, le développement économique, le patrimoine et l’éducation ». N’est-ce pas l’anticipation de la loi sur les compétences dont nous débattrons à l’automne, monsieur le ministre ? En tout cas ce n’est pas contradictoire. Fût-ce un texte d’appel, cet amendement est assez ouvert tout en étant extrêmement respectueux de l’architecture proposée aujourd’hui. Il me semble qu’il mérite pour le moins un grand intérêt.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur.
Qu’est-ce que le génie français ? Il est comme la grammaire française, où la règle coexiste avec l’exception. Elle est même d’autant plus admise qu’il y a des exceptions. L’exception, en l’espèce, s’appelle expérimentation. Comme le disait très justement notre collègue de Rugy, il existe des exceptions outre-mer, en Corse mais aussi sur le territoire continental : la conjonction à Paris d’une commune et d’un département en est une ! M. François de Rugy. Évidemment ! M. Marc Le Fur. Nous en avons vu naître une, que pour ma part je juge intelligente, lorsqu’une métropole est devenue département à la suite d’un accord entre MM. Collomb et Mercier. Voilà des choses qui se font sereinement, discrètement et positivement. Elles n’ont pas vocation à être dupliquées car chacun a sa solution. Il a existé dans cette assemblée une grande voix qui parlait souvent d’expérimentation, Pierre Méhaignerie. Il me semble que nous pouvons nous en inspirer et la manière dont Hervé Gaymard présente les choses me semble tout à fait positive. À l’évidence, il convient que nous nous donnions les voies et les moyens pour favoriser une telle évolution.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gaymard.
M. Hervé Gaymard.
Je ne voudrais pas que la Savoie prenne plus de place que la Bretagne ou l’Alsace dans cet hémicycle !
M. Hugues Fourage.
Impossible !
Mme Sandrine Mazetier.
Il y a de la marge ! (Sourires.)
M. Hervé Gaymard.
Je remercie M. le ministre, M. le rapporteur et mes collègues qui ont donné leur avis sur le sujet et ferai quelques remarques complémentaires. Tout d’abord, depuis 2001, les deux départements de Savoie et de Haute-Savoie mènent une expérimentation sous la forme de l’assemblée des Pays-de-Savoie, qui les surplombe et à laquelle les deux conseils généraux ont confié toutes les compétences non obligatoires, c’est-à-dire le développement économique, le tourisme, la culture, les événements sportifs, l’université – dont parlait tout à l’heure Bernadette Laclais en me rappelant à l’ordre parce que je l’avais oubliée – et beaucoup d’autres compétences. Toutes sont maintenant exercées par l’assemblée des Pays-de-Savoie et ne sont plus inscrites au budget de chaque conseil général. Nous avons donc mené une véritable politique stratégique en matière de compétences de développement et d’animation culturelle, touristique et patrimoniale. Fusionner l’assemblée des Pays-de-Savoie avec les deux conseils généraux dans une collectivité territoriale Savoie-Mont-Blanc nous semble donc aujourd’hui une démarche naturelle. Ensuite, nos prédécesseurs, auxquels il faut rendre hommage, ont développé depuis la Deuxième Guerre mondiale dans les deux départements des initiatives assez intéressantes. Je ne prétends pas qu’elles sont originales, car partout en France créativité et innovation se sont manifestées, mais par exemple nos collègues, au sortir de la guerre, alors que les tickets de rationnement avaient encore cours, ont décidé de créer la station de Courchevel, demeurée très longtemps régie départementale. Je l’ai transformée en société d’économie mixte dans laquelle le département est majoritaire et, grâce aux profits de la station, nous avons créé notre FSI locale. Notre holding Savoie Stations Participation investit dans des entreprises et des stations de ski de moyenne montagne dans le cadre de l’aménagement du territoire afin que les grandes stations d’altitude ne soient pas seules favorisées, le tout avec les banquiers et investisseurs locaux. Nous nous sommes ainsi efforcés de créer un écosystème de développement. On pourrait dire la même chose de l’Institut national de l’énergie solaire développé en partenariat avec le CEA et la région Rhône-Alpes. Nos collègues haut-savoyards ont fait de même en matière de développement économique, sans parler de la filière bois pour laquelle nous avons pris des initiatives conjointes extrêmement intéressantes. Notre proposition ne vise donc pas, ce sera ma troisième remarque, à retirer des compétences à la région – je sais que nous ne sommes pas en train de débattre de la loi sur les compétences – puisqu’il s’agit d’actions que nous menons depuis cinquante ans, et cela ne se passe pas trop mal, sans être parfait mais rien n’est parfait en ce bas monde. Dès lors, pourquoi changer ce qui marche ? Telle est aussi la motivation de notre démarche. En outre, comme nous sommes également des adeptes du principe de subsidiarité, il nous semble qu’à l’échelon d’une très grande région comme Rhône-Alpes-Auvergne, ce pôle de développement et d’innovation territoriale doit absolument être maintenu. Enfin, ma dernière remarque porte sur le nombre d’élus. À l’issue des prochaines élections départementales, la Savoie comptera trente-huit élus départementaux et douze élus régionaux, soit cinquante en tout. Si le conseiller territorial avait été mis en place, elle en compterait vingt-quatre. L’application de la loi telle que vous la proposez, monsieur le ministre, et en imaginant que les départements soient supprimés, ne nous laissera que sept élus départementaux sur 150, qui siégeront à Lyon. Autrement dit, au sein du futur grand conseil régional, ils ne pèseront pas lourd et perdront en outre leur capacité d’animation économique sur le terrain et leur proximité avec les citoyens. Or, ce que veulent les citoyens, c’est de la réactivité, de la proximité et de l’humanité. M. Thierry Benoit. Tout à fait ! M. Hervé Gaymard. Je suis très sensible à ce qu’a dit M. de Rugy et pense comme lui qu’il faut regarder la France telle qu’elle est et non telle qu’on voudrait qu’elle soit, caractérisée par une organisation homothétique identique sur tous les territoires ne prenant en compte ni leur courbe d’expérience ni leurs caractéristiques intrinsèques. J’ai bien conscience et j’ai dit que mon amendement a en réalité pour but d’ouvrir le débat. Ce débat, dans les Pays-de-Savoie, nous l’avons depuis un certain nombre d’années, mais il faut bien dire que les propositions de réforme territoriale l’accélèrent et l’amplifient. Au cours des semaines et des mois à venir, en attendant la deuxième lecture, nous avons l’intention, acteurs économiques et sociaux et élus locaux, de nourrir le débat et de formuler des propositions. Je ne vous dis pas, monsieur le ministre, que notre proposition finale sera exactement celle qui figure dans mon amendement, car il fallait bien en faire une qui servît de base, mais en tout cas tel est l’état d’esprit dans lequel nous entendons travailler. Je salue d’ailleurs l’état d’esprit constructif de Bernadette Laclais à propos de ce sujet très important. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. François de Rugy.
Très bien !"
Et comme il fallait s’y attendre l’amendement n’a pas été adopté pas plus que ne le sera un éventuel projet de loi. Les élus de Savoie depuis 1972 n’ont jamais voulu admettre leur erreur en ne se battant pas alors pour la création d’une Région Savoie et ne sont pas, pour ceux qui sont encore élus 40 ans plus tard, les mieux placés pour aujourdhui défendre la cause désormais bien compromise d’un duché qui aurait parfaitement pu espérer non seulement avoir le statut de Région française mais même celui d’Etat , membre de l’Union Européenne comme le Duché de Luxembourg si ses élites ne s’étaient pas ralliées aussi facilement à une France foncièrement jacobine qui n’admet pas les statuts particuliers comme l’admet l’Italie, avec par exemple le Val d’Aoste. Ce n’est qu’en manifestant en masse rapidement comme l’ont fait les Alsaciens et les Bretons que l’on obtiendra des élus de Savoie, un peu trop soucieux de leur carrière politique, régionale, nationale ou européenne (qui les fait vivre assez grassement) prennent enfin la mesure d’un combat que leurs prédécesseur n’ont jamais eu le courage de mener non seulement depuis l’Annexion de 1860 mais depuis 1792 . Et l’on peut s’étonner que les Régionalistes de Savoie n’aient pas encore organisé une Manifestation à Chambéry de l’ampleur de celles des Alsaciens ou des Bretons !