Le XIXe siècle a été le siècle par excellence du paroxysme de l’art diplomatique européen.Deux personnages ont dominés le Congrès de Vienne : Metternich et Talleyrand.
Talleyrand est certainement le meilleur ministre des Affaires étrangères que la France a compté mais aussi un des meilleurs ministres des Affaires Etrangères européens.
Après les guerres de la Révolution et de l’Empire Napoléonien qui ont ensanglanté l’ensemble de l’Europe, le Congrès de Vienne a réussi empêcher une nouvelle guerre couvrant l’ensemble du territoire européen pour la durée d’un siècle de 1814 à 1914.
Ce résultat a pu être atteint grâce à un système de principe développés par Talleyrand.
Considérant qu’après l’empereur Charles Quint et jusqu’alors, la France avait prédominé en Europe, il a réussi à convaincre les vainqueurs de la France que ce ne serait pas en affaiblissant celle-ci que l’Europe trouverait son équilibre. Il considérait en effet l’appartenance de la France comme obligatoire dans tout système opérationnel de l’Equilibre Européen. Le fin diplomate qu’il était, savait qu’en dépit de la défaite complète de Waterloo, les autres représentants officiels au Congrès ne pourraient remettre en cause un tel postulat.. Talleyrand avait bien évidemment l’intention de faire référence plus ouvertement à la suprématie française générée par des siècles de gloire, une fois que ce système de Famille Européenne aurait été mis en œuvre. Pour lui, que la France soit uniquement membre d’un groupe de pays puissants n’était pas suffisant. Il voulait que la France regagne le leadership de l’Europe qui avait toujours été sien.
Ses principes étaient basés sur « l’ordre véritable », « l’ordre des choses existant » et de « vrais principes ». Ces trois idées sous-entendaient un ordre préexistant assimilé à une idée de l’autorité naturelle supérieure liée à une obligation morale. Il lui fut ainsi aisé de déduire de cette loi naturelle, les trois principes classiques de la diplomatie Européenne : le principe de droit public, le principe de légitimité et le principe d’équilibre.
Talleyrand insistait sur le fait que le Congrès de Vienne devrait s’organiser sur la base des deux principes essentiels de Légitimité et d’Equilibre.
Selon lui ce principe de Légitimité avait pour fonction de protéger un ordre traditionnel qui était devenu l’équivalent d’un ordre « naturel ». Les leçons tirées de l’histoire démontraient que tout Equilibre Européen devait être basé sur les trois conditions suivantes :
1. Aucun pouvoir ne devait être habilité à dominer seul ou associé à une autre puissance.
2. L’indépendance nationale de chaque pouvoir devait être garantie.
3. La création et la mise en place d’un système international, viable de l’intérieur en Europe, devaient être établies pour éviter un état de bellicisme permanent.
Les deux premières conditions reflètent la conception prérévolutionnaire classique d’une balance des Puissances. Cependant, la troisième condition évoquée par Talleyrand est une innovation qui vise à organiser les relations internationales européennes. En proposant l’introduction d’un système international, Talleyrand était le précurseur de ce qui devrait devenir, ultérieurement, le Système des Congrès et du Concert Européen.
Le principe de Légitimité était celui que Talleyrand valorisait le plus. Ce principe restaurateur et monarchique avait pour vocation le rétablissement du pouvoir des monarques déchus de l’Europe. Ces derniers avaient perdu leur trône lors de la réorganisation napoléonienne et ne cessaient de réclamer leur restauration sur le plan personnel et national. Outre le fait de répondre à leur exigence de souveraineté traditionnelle, cette idée de légitimité garantissait de surcroît les frontières nationales territoriales.
Le principe de légitimité se compose de deux principes subordonnés : le droit d’abdication du pouvoir et la négation de la revendication du pouvoir par la force. La souveraineté pouvait seulement être assumée dans le cas où un monarque abdiquait officiellement son droit au pouvoir, et ce, avec la reconnaissance des autres puissances.
Le principe de l’Equilibre vise essentiellement à mesurer et limiter les ambitions hégémoniques des autres Puissances Européennes. A ses yeux, des relations européennes saines se définissaient de la façon suivante : Forces de résistance = Forces d’agression. Equation idéale s’il en est, car la résistance minimale du plus petit des états équivaudrait en théorie à l’agression maximale du plus puissant des états.
Un siècle après le Congrès de Vienne, Il est clair que les négociateurs du Traité de Versailles ayant mis fin à la guerre 1914-1918 n’ont pas l’intelligence de Talleyrand quand ils ont décidé de rompre l’équilibre européen en démantelant non seulement l’empire austro-hongrois et le vieil homme malade de l’Europe l’empire Ottoman ainsi qu’en imposant à l’Allemagne des conditions humiliantes et financièrement trop douloureuses. On sait ce qu’il est résulté de l’abaissement stupide de l’Allemagne et de l’Autriche !
Un siècle plus tard encore, en ce début du XXI° siècle, Il apparait tout aussi clair que les diplomates américains et européens contemporains n’ont pas fait preuve d’autant d’intelligence que Talleyrand et d’une certaine méconnaissance historique en voulant s’emparer des dépouilles ces vingt dernières années du nouveau vieil homme malade de l’Europe qu’était devenu l’empire soviétique et en ne prenant pas suffisamment en considération du renouveau de la Turquie inspirée de plus en plus par la grandeur passée de l’empire ottoman.
Ce n’est pas en affaiblissant la Russie et en interdisant à la Turquie d’intégrer l’Union Européenne que nos diplomates contribuent à la recherche d’un équilibre dans la zone d’influence de l’Europe voire sur le plan mondial.
Aujourdhui, face à une Russie diabolisée par les intellectuels européens qui a décidé de réagir face aux empiétements voire aux agressions d’une alliance l’Otan qui aurait du disparaitre en même temps que la dissolution du pacte de Varsovie, et face à la réussite économique d’une Turquie qui rejetée par l’Union Européenne, en raison d’un certain abandon de sa laïcité, redécouvre la gloire de l’empire ottoman, la diplomatie occidentale est totalement impuissante et ne peut que constater le fossé croissant qui se creuse entre le triumvirat occidental du conseil de sécurité de l’Onu depuis que la France a réintégré l’Otan et le duo Russie-Chine lequel élargi à l’Assemblée Générale oppose de plus en plus les Occidentaux et leurs vassaux d’une part, la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud d’autre part.
Si nos diplomates occidentaux un peu trop souvent influencés par une diplomatie française alignée sur celle des Etats Unis ont cru pouvoir avancer cachés sous le couvert politiquement correct de la prétendue défense des droits de l’homme, cette époque est désormais révolue. Et, contrairement à ce qu’ils espèrent, en pensant que la perspective des élections expliquaient ses positions, il semble douteux que le de nouveau Président russe Vladimir Poutine assouplissent celles-ci dans la mesure ou la Russie doit redevenir un Etat dont on doit tenir compte pour l’équilibre de l’Europe et des régions proches c'est-à-dire pour sa sécurité et sa défense.
On ne fait pas en effet une bonne politique des Affaires Etrangères avec de bons sentiments et nos diplomates européens surtout les français, après avoir réappris l’histoire et les règles immuables de la diplomatie devront bien revenir rapidement à une « Real Politik » en réappliquant les bons vieux principes de la diplomatie appliqués par Talleyrand : les principes d’équilibre et de légitimité.
La Russie est l’héritières spirituelle de l’empire romain d’orient et ne saurait accepter de voir son rôle réduit peu ou prou à celui du Saint Empire romain germanique démantelé puis réduit à un empire austro-hongrois à nouveau démantelé pour finalement se réduire à une petite république autrichienne à la neutralité imposée alors que l’empire austro-hongrois assurait, comme d’ailleurs avant lui à une certaine époque l’empire romain germanique l’équilibre européen face à l’empire ottoman et à l’empire russe.
Force est de constater que la politique étrangère des européens au lieu de rechercher l’équilibre conduit à une instabilité croissante sur ses « marches frontières » facteur d’inquiétude croissante pour sa sécurité.
Une chose parait acquise, c’est que l’Union Européenne va devoir avoir chaque jour davantage tenir compte de la nouvelle Russie de Poutine et de la nouvelle Turquie d’Erdogan faute de quoi comme la diplomatie française, elle risque, après des succès récents plus qu’incertains ne plus faire que de la gesticulation médiatique qui finira par lasser l’opinion publique.
L’époque des Ministres des Affaires étrangères modéle Kouchner est définitivement révolus.
La débâcle prochaine d’Afghanistan, après le fiasco de la guerre d’Irak, la situation explosive de la Syrie et son extension probable au Liban, et celle de l’Iran en regard d’un conflit israélo-palestinien qui a trop