Avec la crise, tout compte fait salutaire, nos gouvernants découvrent un peu naïvement que la solidarité au sein de l’Union Européenne ne peut être acceptée par les Etats qui sont appelés à en faire preuve que si les Etats qui la réclament peuvent être contraints de respecter certaines règles et que ces règles doivent faire l’objet de traités.
Pour ce faire, le Président de la Commission Européenne, faisant preuve d’une audace inhabituelle, propose la signature par les Etats membres d’un nouveau traité - sans toutefois oser parler de traité constitutionnel -qui ferait de l’Union Européenne une Fédération d’Etats Nations.
Si l’idée de Fédération traduit une avancée celle d’Etat Nation parait d’ores et déjà largement obsolète !
En effet alors que les Etats Nations mènent un combat d’arrière-garde pour tenter de conserver ce qui leur reste de souveraineté « nationale » alors que depuis plus d’un demi-siècle ils s’avèrent incapables d’assumer leurs missions « nationales » et ont été contraints de transférer la plus grande partie de leur souveraineté à l’Union Européenne ou aux Régions qui les composent, l’idée de Fédération ne va pas manquer de susciter chez les tenants de l’Europe des Nations une crise de prurit de sorte qu’il aurait été plus diplomate de la part du Président de la Commission de se contenter de ne parler que de Confédération ce qui pour la majorité est déjà beaucoup trop.
En revanche quitte à parler d’emblée de Fédération, alors il est rétrograde de maintenir le concept d’une Europe des Etats Nationaux à l’heure prochaine ou ces Etats Nationaux sont voués à la désintégration. Ou alors il faut d’emblée que ce nouveau traité constitutionnel prévoit les cas futurs de plus en plus nombreux d’Etats Régionaux qui feront sécession de l’Etat National tout en voulant continuer de faire partie de l’Union.
En effet si la question de la solidarité se pose entre Etats Nationaux membres de l’Union Européenne, elle se pose avec plus d’acuité encore au sein des actuels Etats Nationaux entre les divers Etats Régionaux qui les composent. Et il est évident que ces crises internes ne peuvent trouver de solution nationale en période de crise car on ne voit pas comment l’Etat National pourrait accepter de voir diminuer la solidarité des Etats Régionaux riches au détriment des Etats Régionaux pauvres.
Il est évidemment plus facile d’accepter une augmentation de solidarité qu’une diminution de celle-ci !
Or, alors que ce traité constitutionnel européen proposé a pour objectif de permettre un accroissement de la solidarité entre les actuels Etats Nationaux riches de l’Union Européenne au profit des Etats Nationaux pauvres chargés d’assurer ensuite une de plus en plus difficile répartition de cette solidarité entre les divers Etats Régionaux qui les composent, ces derniers en revanche veulent diminuer cette solidarité entre eux.
A quoi cela servirait-il donc de prendre le risque de créer une fédération dont les règles institutionnelles ne permettraient pas de s’adapter à une évolution inéluctable ?
D’ores et déjà existe la possibilité, pour refus de solidarité nationale jugée excessive, d’une indépendance de la Catalogne, de l’Ecosse, de la Flandre doit être envisagée. De même on ne peut exclure que dans un Etat Fédéral comme l’Allemagne certains Länder comme la Bavière se rebellent contre une solidarité européenne à l’égard des Etats Nation acceptée par l’Etat Fédéral allemand et décide un jour aussi de faire sécession. Un telle hypothèse n’est pas à exclure dans la mesure ou après avoir déjà fait preuve d’une très grande solidarité nationale pendant des années à l’égard des Länder d’ex-Allemagne de l’Est, ses citoyens se refusent à faire encore pendant des années preuve de solidarité à l’égard des Etats Nationaux du Centre et du Sud de l’Europe.
Or dans cette Fédération d’Etats Nations proposée qu’elle sera le statut envisagé pour les Etats Régionaux dissidents de leur Etat National ? Seront-il admis eux-mêmes comme Etat National ou conserveront-ils un statut inférieur à l’Etat National dont ils auront cessé de faire partie.
Si donc l’idée d’une Fédération d’Etats Nations peut constituer momentanément un progrès parce qu’il faut bien « faire avec » selon l’expression française, le futur traité constitutionnel européen doit prévoir son évolution future vers une Fédération d’Etats Régionaux impliquant la disparition à long terme de l’Etat National construction artificielle qui a vécue.
Finalement l’architecture du futur Etat Fédéral de l’Union Européenne ressemblera plus à ce que serait devenue naturellement le Saint Empire Romain Germanique si la France centralisatrice n’avait pas contrarié par l’ambition de ses rois, et notamment du roi à moitié Habsbourg et monarque absolu Louis XIV, l’évolution de cette quasi-confédération crée 329 avant la Confédération Helvétique devenue Fédération seulement en 1848 et dont l’histoire devrait bien inspirer également la Commission Européenne et nos dirigeants.