CH. II LES REGIONS AYANT APPARTENU AU ROYAUME DE LOTHARINGIE puis de FRANCIE ORIENTALE/ GERMANIE
I. Duché de Lorraine / Herzogtum von Lothringen, terre d’empire de 962 à 1766
Maison d’Anjou- Vaudémont
.René II (1451-1508), duc de Lorraine, de 1473 à 1508, comte de Vaudémont, marquis de Pont à Mousson et duc de Bar de 1480 à 1508
Il nait le 2 mars 1451, il est le fils du comte Ferri VI de Vaudémont et de son épouse Yolande d’Anjou et devient duc de Lorraine à la mort de son cousin le duc Nicolas le 22 juillet 1473.
Par sa mère, c’est un prince français ; celle-ci qui aurait pu régner renonce aussitôt à se droits au profit de son fils. A partir de lui et pour un siècle et demi, les ducs de Lorraine, souvent élevés à la Cour de France, se rapprocheront du royaume de France sans pour autant chercher à rompre avec l’empire, recherchant entre les deux une certaine forme de neutralité. Avec lui, le comté de Vaudémont, terre d’empire devient partie intégrante du duché de Lorraine. René II commence son règne sous celui du roi de France Louis XI, de l’empereur Frédéric III de Habsbourg et du duc de Bourgogne Charles le Téméraire. Il ne manque plus à ce dernier, pour réunir ses possessions du sud à celle du Nord, que de faire passer sous son contrôle les duchés de Bar et de Lorraine. Il est donc un ennemi potentiel.
René II a partie de son duché de Bar dans la mouvance du royaume de France (bien que juridiquement en droit « international » de l’époque son duché de Bar relève toujours de l’empire).
Charles le Téméraire n’hésite pas à occuper ce Barrois « mouvant » et lors de son séjour à Trêves d’octobre-novembre 1473 conclut dès le 14 octobre avec René II un traité leur interdisant de conclure avec Louis XI un traité pouvant nuire à l’autre partie et autorisant les deux ducs à faire transiter leurs troupes au travers des territoires de l’autre. Mais les incidents se multipliant entre garnisons bourguignonnes et lorraines, en mai 1475, René II défie Charles qui profite de l’occasion pour envahir la Lorraine ; René II qui espère le soutien militaire du roi Louis XI est bien déçu car celui-ci renouvelle une nouvelle fois les trêves qu’il a signées depuis le 15 octobre 1473 avec Charles le Téméraire. Le 30 novembre toute la Lorraine est occupée. La population de Nancy compte alors environ 5 000 habitants, auxquels il faut ajouter 3 500 soldats d’origine alsacienne, envoyés par le duc d’Autriche, Sigismond de Habsbourg ainsi que 500 soldats engagés au service du duc de Lorraine. Charles le Téméraire, quant à lui, ne dispose que d’un armement limité et c’est la famine qui amène la chute de la ville, après un mois de combats. Charles fait son entrée triomphale à Nancy et s’autoproclame duc de Lorraine
Mais les ambitions de Charles le Téméraire l’isole et le roi Louis X, tout en évitant d’engager des troupes directement contre lui, parvient à pousser contre lui les Confédérés suisses, les villes d’Alsace, l’empereur Frédéric III de Habsbourg lesquels constituent début 1476 la Ligue de Constance dirigée contre le duc de Bourgogne.
Les Confédérés suisses ayant remporté la bataille de Morat contre les troupes de Charles le 22 juin 1476, la résistance s’organise en Lorraine. René II sait profiter de ce renversement de situation : grâce à une aide fournie par la ville de Strasbourg et par les Suisses, il regagne une partie des places perdues. Après quelques semaines de siège, les troupes bourguignonnes de Nancy capitulent le 6 octobre.
Mais au même moment, Charles pénètre en Lorraine, atteint Neufchâteau, tandis que des renforts lui arrivent du Luxembourg. Il est à Toul le 11 octobre, et à Nancy le 20. René II confie la défense de la ville à 2000 soldats gascons, lorrains et alsaciens, avant de partir pour la Suisse pour y chercher du secours. Le 22 octobre, Nancy est de nouveau assiégée. Charles est, cette fois ci, dans une situation plus précaire que la première fois, étant en terrain ennemi, et coupé de ses arrières. A la tête d’une armée de volontaires suisses, d’Alsaciens et de Bâlois composant une armée de 14000 hommes environ, René II franchit les Vosges et atteint Lunéville le 3 janvier, et Saint-Nicolas-de-Port le 4. Le dimanche 5 janvier a lieu la bataille au cours de laquelle Charles trouve la mort. René II qui espère comme prix de sa victoire une partie des possessions bourguignonnes se heurte au refus de Louis XI.
Bien plus celui-ci ne lui laisse comme héritage de son grand-père René Ier d’Anjou décédé le 17 juillet 1480 que le seul duché de Bar alors que Renée II espère recevoir le duché d’Anjou, le comté du Maine et le comté de Provence que certes René Ier avait légué par testament à son neveu Charles mort le 10 décembre 1481 en les léguant à Louis XI. Il n’obtient pas davantage de son alliance matrimoniale avec les Beaujeu qui règnent après le décès de Louis XI le 30 aout 1483.En effet ceux-ci fort du remariage de René II avec Philippa de Gueldre, fille du duc de Gueldre et nièce de Pierre de Beaujeu, en profitent pour détacher le comté de Provence de l’empire et l’incorporer au royaume de France le 27 juillet 1486 avec le duché d’Anjou. Avec l’argent reçu d’Anne de Beaujeu, René lève alors une armée en 1488 pour tenter d’aller reconquérir le royaume de Naples qui s’est soulevé contre Ferdinand d’Aragon mais là encore, arrivé avec ses troupes à Lyon, il reçoit une lettre du roi Charles VIII devenu majeur lui rappelant que les droits sur ce royaume appartiennent désormais au roi de France par héritage de la maison d’Anjou.
Malgré ses liens avec la France, René II reste conscient que ses possessions relèvent de l’empire même si l’époque de son règne est celle de la fin du Moyen Age et de l’application du contrat vassalique qui régissait les rapports de la noblesse depuis six cents ans environ. Après la mort de l’empereur Frédéric III, il entretient d’excellents rapports avec son fils l’empereur Maximilien et participe à la Diète de Worms de 1495 et accepte que le corps de Charles le Téméraire, beau-père de Maximilien, reposant alors à Nancy dans la chapelle des Cordeliers, soit restitué à sa famille.
Le 25 mars 1506, il établit son testament qui pose le principe de l’union perpétuelle indissociable des duchés de Lorraine, de Bar, du comté de Vaudémont et du marquisat de Pont à Mousson. Il meurt prés de Bar le Duc le 10 décembre 1508.
.Antoine Ier (1489 -1544) duc de Lorraine et de Bar, comte de Vaudémont, marquis de Pont à Mousson de 1508 à 1544
Fils du précédent et de son épouse Philippa de Gueldre.
Il est très lié à la Cour de France. Il est au côté du roi Louis XII en Italie à la bataille d’Agnadel le 14 mai 1509.
Louis XII mort, il assiste au sacre de François Ier à Reims et épouse à Amboise une princesse française René de Bourbon-Montpensier, sœur du connétable de Bourbon ; il est au côté de François Ier à Marignan les 14 et 15 septembre 1515 et en 1517 prend celui-ci pour parrain de son premier fils dénommé François comme le roi.
Mais à la suite de la défaite du roi de France à Pavie en 1525 contre les troupes de l’empereur Charles Quint, il décide de s’abstenir de prendre parti entre la France et l’empire et s’efforce de jouer les médiateurs.
Puis il se rapproche de l’empereur Charles Quint et en 1540 marie sa fille Anne de Lorraine au général des armées impériales, René de Chalon, prince d’Orange et en 1541, son fils héritier François à Christine de Danemark, nièce de l’empereur ce qui déplait fortement à son ancien ami le roi François Ier qui exige alors qu’il lui rende hommage pour le Barrois mouvant.
Charles Quint qui souhaite que la Lorraine reste attachée à l’empire accepte de faire des concessions à Antoine en matière de souveraineté ; sans aller jusqu’à donner à ses possessions une quasi-indépendance comme l’avait fait l’empereur Maximilien à l’égard des Confédérés suisses par le traité de Bâle de 1499 qui les relevaient du service armée pour le compte de l’empereur et les soustrayaient à la justice impériale ( leur indépendance ne sera reconnu de jure qu’en 1648), il accepte par le traité de Nuremberg du 26 aout 1542 de faire de la Lorraine un « Etat libre non incorporable » dont la justice ne relève plus, comme pour les Confédérés suisses, en dernier ressort de la Chambre impériale de Spire.
Antoine meurt le 11 juin 1544.
.François Ier (1517-1545), duc de Lorraine et de Bar, comte de Vaudémont et marquis de Pont à Mousson de 1544 à 1545
Fils du précédent.
La Lorraine continue comme la Confédération suisse à faire partie de l’empire qui lui garantit militairement son statut à la différence de la Confédération ; à noter que la notion de « non incorporabilité » s’entendait comme non incorporable également au Royaume de France.Fort de cette espèce de statut de neutralité entre ce dernier et l’empire, il essaye alors de négocier avec Charles Quint et François Ier l’interdiction pour leurs armées de traverser ses états mais sans succès.
Il meurt le 12 juin 1545 un an après son père ayant eu juste le temps de jouer la médiation ayant abouti à la paix de Crépy en Laonnois du 18 septembre 1544 par lequel d’un côté la France perd sa suzeraineté sur la Flandre et l'Artois, renonce à ses prétentions sur le Milanais et sur Naples, mais conserve temporairement la Savoie et le Piémont et de l’autre côté Charles Quint abandonne le duché de Bourgogne et ses dépendances.
Il laisse comme héritier son fils Charles âgé de deux ans.
.Charles III (1543-1608) duc de Lorraine et de Bar, comte de Vaudémont et marquis de Pont à Mousson de 1545 à 1608
Fils de François Ier, filleul du roi de France homonyme, et de Christine de Danemark, nièce de l'Empereur Charles Quint.
Il succède à son père le 12 juin 1545, d'abord sous la régence de sa mère et de son oncle, puis en 1552 sous celle de son seul oncle, Nicolas de Lorraine, comte de Vaudémont et futur duc de Mercoeur.
Sa mère Christine se rend à Augsbourg fin 1547 début 1548 pour assister à la Diète d’empire. Elle a quelques bonnes raisons de craindre l’alliance des rois de France avec les princes protestants et fait procéder à l’édification de fortifications à La Mothe en Bassigny, aux confins de la Champagne, de la Bourgogne et de la Lorraine entrainant la réaction vive du roi Henri II qui lui demande d’arrêter les travaux ce qu’elle s’engage à faire tout en les poursuivant.Elle se rend à nouveau à Augsbourg en 1550 pour assister à une nouvelle diète d’empire, année qui marque la reprise du conflit entre l’empereur Charles Quint et cette fois le roi Henri II qui s’est vu promettre, par le traité de Chambord du 15 janvier 1552 par les princes protestants allemands, en contrepartie de son alliance, les comtés de Montbéliard et de Ferrette ainsi que les trois évêchés de Toul, Metz et Verdun en qualité de vicaire de l’empire.
À partir de 1552, le roi de France Henri II, à l’occasion de son "voyage d'Allemagne" qui lui permet d'imposer sa tutelle aux cités épiscopales de Verdun, Metz et Toul, fait un passage à Nancy. Il écarte de la régence la duchesse douairière, Christine de Danemark, nièce fidèle de l'empereur Charles Quint et confie la totalité du pouvoir au prince Nicolas de Lorraine, comte de Vaudémont et futur duc de Mercoeur qui lui est francophile. Dès avril 1552, les armées du roi Henri II envahissent la Lorraine faiblement défendue et le 15 avril 1552, le roi destitue Christine qui doit s’exiler, obtient le serment d’allégeance des Etats Lorrains et remmène à Paris le duc Charles en qui a 9 ans, pour le faire élever à la cour de France en garantie de la neutralité de la Lorraine ou des garnisons françaises sont installées notamment à Metz, ville impériale. Dès la mi- octobre 1552, l’armée de Charles Quint se présente devant Metz mais n’arrive pas à la reprendre et se retire en janvier 1553.
Charles Quint abdique en 1556 partageant ses possessions entre son fils Philippe et son frère Ferdinand qui lui succède comme empereur.
Mais en 1557, l’armée du roi Henri II est battue à Saint Quentin par le duc de Savoie Emmanuel Philibert, général des armées impériales à la tête des troupes espagnoles du roi Philippe II, le fils de Charles Quint.
A Paris ou il est élevé, le duc Charles est marié à Notre Dame de Paris avec Claude de France le 22 janvier 1559. Année 1559 oû il doit signer avec celui-ci le traité de Cateau-Cambrésis. Ce n’est qu’en octobre 1559, qu’avec son épouse il fait sa première entrée à Nancy mais laisse le gouvernement de la Lorraine à sa mère Christine revenu d’exil. Enfin ce n’est que le 18 mai 1562, qu’il prête serment devant les Etats de Lorraine et en devient véritablement duc.
Ses relations avec les rois de France François II et Charles IX sont bonnes. En revanche, le duc Charles III, bon catholique, ne peut accepter, comme ses cousins les Guise la signature le 6 mai 1576 entre le roi de France Henri III et les Huguenots français ; il rejoint la Ligue catholique crée par le duc Henri de Guise à la demande de Don Juan d’Espagne, le fils bâtard de Charles Quint et accueille leur assemblée générale à Nancy en février 1580.
En outre Henri III n’a pas d’enfant et son frère François d’Alençon décède le 10 juin 1584 de sorte que c’est Henri le roi de Navarre, chef du parti protestant, qui devient l’héritier de la couronne de France.
Une deuxième assemblée de la Ligue se tient alors près de Nancy qui aboutit au traité d’alliance de Joinville du 31 décembre 1584 par lequel le roi d’Espagne Philippe II apporte son soutien à la Ligue pour lutter contre le protestantisme tant dans le royaume de France que dans les terres d’empire possédées par le roi d’Espagne, Franche Comté, Luxembourg, Pays-Bas. Le duc de Guise prend l’initiative et s’empare en juin 1585 de Toul et Verdun occupées par des garnisons françaises depuis 1552, puis les possessions du duc de Bouillon, un des chefs du parti protestant qui doit se réfugier en Alsace et recrute là près de 35 000 mercenaires recrutés sur place ou dans le duché de Wurtemberg qui se présentent le 30 aout 1587 aux frontières du duché de Lorraine et l’envahissent mais sont battus.
Le duc Charles III, pour venger leurs exactions. dévaste alors le comté de Montbéliard, propriété du duc de Wurtemberg. Mais ce n’est véritablement qu’après l’assassinat du roi Henri III le 2 aout 1589 et l’accession d’Henri de Navarre comme roi de France sous le nom d’Henri IV qu’il s’engage véritablement contre la France. Aussitôt il reprend Toul et Verdun mais ne parvient pas à reprendre Metz et se range au côté de la Ligue qui se réunit une nouvelle fois en assemblée à Chaumont en Bassigny en septembre 1589.
Le duc de Lorraine doit alors disperser au sud les mercenaires allemands réfugiés en Alsace puis se retourner au nord de son duché pour faire face aux troupes du général d’Henri IV, Henri de Turenne, qui vient de surcroit d’épouser la duchesse de Bouillon, héritière du duché.
Les troupes de Charles III sont défaites en 1592. La conversion d’Henri IV au catholicisme lui permet alors plus facilement de négocier ; par le traité de Saint Germain en Laye du 16 novembre 1594,Toul et Verdun obtiennent le statut de villes protégées par le roi de France mais leur gouvernement est laissé au troisième fils de Charles III, François de Vaudémont et la France s’engage à indemniser partie des frais engagés par le duc de Lorraine pour la défense de son duché ; en outre le fils ainé du duc doit épouser Catherine, la fille d’Henri IV, mariage célébré le 31 janvier 1599 marquant le resserrement des liens avec le royaume de France même si Catherine meurt dès 1604.
Charles III meurt le 14 mai 1608.
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