La Crimée est russe pour la très grande majorité des Russes comme l’Alsace-Lorraine et Strasbourg sont françaises pour la très grande majorité des Français même si l’on pourrait en t discuter en droit international.
Mais alors pourtant que la Lorraine constitue une annexion au royaume de France comme exigence du roi Louis XIV pour que le duc François de Lorraine puisse épouser l’impératrice Marie-Thérèse et devenir empereur, et l’Alsace avec Strasbourg une prise de guerre de ce roi sur l’Empire romain germanique sans qu’aucun référendum n’ait jamais demandé à l’époque aux Alsaciens ou Lorrains s’ils étaient d’accords de devenir des sujets du roi de France (pratique inconnue de l’époque), en revanche un référendum a bien été organisé en Crimée dont le résultat est difficilement contestable.
Or Il est évident que la Russie ne rendra jamais la Crimée à l’Ukraine.
Si l’Ukraine pense adhérer à l’Otan et impliquer ses membres dans une guerre de reconquête, le risque de conflit est immense. Il ne manquera pas de faire éclater l’Otan car peu d’Européens seront d’accords de mourir pour la Crimée d’autant que dans les conditions actuelles de rapport de forces, la Russie a la capacité par une guerre conventionnelle de balayer les quelques troupes que la France, l’Allemagne, la Pologne et les USA ( dont les troupes encore pré positionnées en Europe sont inférieures à 30 000 hommes) alors qu’aucun des chefs d’Etat américain, anglais et français n’oseront jouer de la dissuasion nucléaire.
Or un débarquement de Normandie sera beaucoup plus difficile à organiser qu’en 1944 pour reconquérir les territoires perdus et les membres de l’Union Européenne seront encore une fois les plus touchés par une nouvelle guerre sur le continent. Il convient à ce sujet de se rappeler qu’un tel débarquement n’aurait certainement pas réussi si l’Allemagne n’avait pas eu à se battre sur deux fronts et notamment celui de l’Est contre les Soviétiques -avec lesquels nos dirigeants anglais et américains s’étaient résolus à s’allier-, Soviétiques qui bien plus que les Américains ont supporté l’essentiel de l’effort de guerre.
Pourtant le Président des USA et nos dirigeants européens soufflent sur les braises et poussent la Russie dans les bras de la Chine à un moment où on ne pas peut pas compter sur « l’allié turc » qui fricote avec la Russie. Parmi les multiples exemples de provocation des USA, fin mars, l’Otan a mené ses exercices Sea Shield-21 en mer Noire, près des frontières russes, sous le commandement de la Roumanie avec une participation bulgare, grecque, espagnole, néerlandaise, polonaise, américaine et turque. Ce renforcement de la présence de l’Alliance dans la région a été qualifié par le secrétaire général de l'organisation Jens Stoltenberg de «signal net» à Moscou. En outre, ceux-ci ont décidé depuis de faire entrer deux de leurs navires de guerre en Mer Noire. Afin d’assurer le passage des navires américains par le détroit du Bosphore, Washington a dû demander l’autorisation d’Ankara, comme le veut la convention de Montreux de 1936 qui interdit notamment à tout pays qui n’a pas accès à la mer Noire d’y laisser des navires de guerre plus de 21 jours, avec des restrictions en termes de classe de navire et de tonnage.
Dans ces conditions, faute de deuxième front possible en Sibérie qui obligerait la Russie à y envoyer une masse considérable de troupes, celle-ci pourra comme l’Allemagne avant la fin du pacte germano-soviétique, concentrer la totalité de ses troupes sur la Pologne, l’Allemagne et sur la France dont le Rhin ne constituera pas un obstacle pas plus que la dissuasion nucléaire contre l’utilisation de laquelle, après quelques jours de combat, la population française manifestera son hostilité.
Il y a donc quelque chose de manifestement incompréhensible sur le plan militaire, alors que les USA ont un risque de confrontation majeure avec la Chine dont Taiwan est sa Crimée, de tout faire pour que celle-ci passe avec la Russie un pacte russo-chinois les dispensant d’entretenir des troupes sur leur frontière sibérienne alors qu'il serait particulièrement opportun au contraire qu'il y ait un pacte americano-russe permettant l'ouverture d'un front russe au nord de la Chine .
On est donc en droit de se demander quelle est la compétence des conseillers militaires et diplomatiques de nos dirigeants pour qu’ils oublient (comme ils l’ont déjà montré avec la Syrie) le principe de « Real politik » selon lequel que les ennemis de mes ennemis sont mes amis.
On comprend dans ces conditions que le ministre des affaires étrangères russes Serguei Lavrov ait cru nécessaire de rappeler l’adage romain
Si vis pacem para bellum
pour signifier que se sentant légitimement menacé la Russie n’avait d’autre choix que de se préparer à la guerre.
Or ce n’est pas après une nouvelle guerre sur le continent européen que l’on corrigera certaines situations anormales nées des traités de Vienne de 1815, du traité de Versailles de 1919 et des traités subséquents, de la capitulation de l’Allemagne en 1945- sans qu’aucun traité depuis n’ait jamais été signé- ni de la dissolution de la Yougoslavie en 1990 et de l’Union soviétique en 1991 mais par un nouveau traité après réunion d’un nouveau Congrès de Vienne.