Il y quelques chose d’assez étrange pour un juriste étranger à entendre les interprétations divergentes des médias français et de leurs « experts » sur la dernière « communication du parquet financier ».
En effet, pour un simple étudiant en droit- qui sait que la charge de la preuve incombe au Parquet- le fait qu’après une enquête préliminaire commencée il y a déjà trois semaines, le Parquet Financier déclare avec une formulation tout à fait habituelle et assez sinon contradictoire du moins très ambiguë :
«les nombreux éléments déjà recueillis ne permettent pas d’envisager, en l’état, un classement sans suite de la procédure».
Si cette formulation pourrait laisser entendre qu’il ne devrait pas y avoir de classement sans suite, elle n’exclue pas totalement avec la précision « en l’état » un tel classement sans suite.
En effet le Parquet aurait du plutôt dire qu'en l'état il ne disposait pas de suffisamment d'éléments pour faire citer Mr Fillon devant le Tribunal correctionnel.
Mais alors un simple étudiant en droit se poserait la question de savoir ce que fera le Parquet s'il ne parvient pas à obtenir des éléments suffisants.
Il ne pourra que classer sans suite sauf à prendre le risque que le Tribunal Correctionnel relaxe purement et simplement Mr Fillon !
Car de deux chose l’une
Ou bien il s’agit d’une affaire simple, auquel cas cela signifie que malgré la durée de l’enquête par son bras policier l’Office Central de Lutte contre la Corruption et les Infractions Financières et Fiscales OCLCIFF , le Parquet Financier n’a pas encore réussi à établir « malgré les nombreux éléments déjà recueillis » , suffisamment de preuve de faits lui permettant de faire citer le candidat directement devant le Tribunal correctionnel ou de demander que les Juges d’Instruction ouvrent une information et, même s’il n’est tenu par aucun délai, faute d'obtenir rapidement des éléments lui permettant de le faire, il sera bien obligé en ridiculisant la Justice française de procéder à un tel classement. Et s’il tarde trop à le faire, il la ridiculisera de toute façon.
Ou bien il s’agit d’une affaire complexe et alors on comprend mal pourquoi sur la base des « nombreux éléments déjà recueillis » l’affaire n’est pas déjà confiée aux Juges d’Instruction.
Sauf à croire qu’en fait le Parquet financier préférerait pouvoir citer directement le candidat Fillon devant le Tribunal Correctionnel avant la date de dépôt des candidatures plutôt que de confier l’affaire aux Juges d’Instruction qui ne seraient pas en mesure de mettre le candidat en examen avant la date fatidique.
Mais ceci apparait comme une manœuvre politique et passablement antidémocratique.
En effet si psychologiquement le fait de citer directement le candidat Fillon devant le Tribunal Correctionnel pourrait avoir un effet dévastateur pour celui-ci, il n’en resterait pas moins qu’il resterait présumé innocent jusqu’à une hypothétique relaxe ou condamnation à une audience très éloignée du Tribunal Correctionnel, de plus susceptible d’appel, et n’ayant pas été « mis en examen » le candidat Fillon pourrait néanmoins maintenir sa candidature sans se déjuger.
En fait, on ne peut que s’étonner que les faits n’aient pas été révélés par le Canard Enchainé bien avant les Primaires de droite et que la « Justice Française » n’ait pas pu se saisir plutôt.
Vu de l’étranger, on ne peut que plaindre le pauvre citoyen français pris en otage par des politiciens , des médias et des magistrats assez médiocres à un moment où la France ne s’est jamais trouvée dans une situation aussi critique depuis près d’un demi-siècle