6. Reconquêtes chrétiennes de 1594 à 1922
Dans les régions danubiennes, l'empire ottoman doit faire face à la puissance rivale de l'Autriche et à l'insoumission des principautés roumaines sous Michel le Brave (1593-1601).
Sur les champs de bataille, l'armée ottomane, ou « l'armée de l'islam », reste une puissance impressionnante mais la Longue Guerre contre l'Autriche (1593-1606), a demandé de grandes ressources humaines aux Ottomans. Leur population forte de trente millions d'habitants leur permet de soutenir de vastes efforts de guerre mais le retard économique et technique face à l'Occident commence à se faire sentir
Dès l’automne 1594, Michel le Brave, prince de Valachie, mène une campagne vigoureuse contre les Ottomans, conquérant de nombreux châteaux du Danube Inférieur; ses alliés contiennent les armées ottomanes en Moldavie, notamment à Iași. Michel s’enfonce peu à peu en territoire ottoman, prenant les forts de Nicopolis, Ribnic et Chilia, et atteignant même l'ancienne capitale turque, Edirne.
En 1595, le pape Clément VIII obtient une alliance entre les puissances européennes chrétiennes contre l'Empire ottoman ; cette alliance, voulue par les Habsbourg soucieux de reprendre les territoires centraux de Hongrie, est signée à Prague par l'Empereur Rodolphe II et Sigismond Ier Báthory de Transylvanie. Aron Tiranul de Moldavie et Michel le Brave de Valachie rejoignent l'alliance plus tard dans l'année. À ce moment, le sultan Mehmed III peut, de son côté, envisager de s’emparer de Vienne, désormais à une centaine de kilomètres de la frontière. La guerre se déroule principalement dans une région correspondant approximativement à l'Ouest de la Hongrie actuelle, au Sud de la Slovaquie moderne, à la Bulgarie, à la Serbie et au Sud de la Roumanie.. En 1595, l’armée impériale des Habsbourg s’empare de forteresses stratégiques sur les rives du Danube, mais quelques mois plus tard, les Ottomans prennent d’assaut la ville d’Eger.
La bataille de Călugăreni, affrontement décisif entre Ottomans et Valaques, est pour le prince Michel une victoire à la Pyrrhus. Très affaibli par ses pertes en hommes, il se replie et attend en vain l’aide des Habsbourg jusqu’en 1599. La bataille de Keresztes, qui se déroule du 24 au 26 octobre 1596 en Hongrie, marque le tournant de la guerre. Les forces combinées des Habsbourg et des Transylvaniens sont taillées en pièces par une armée turco-tatare deux fois plus nombreuse. La suite du conflit est marquée par une suite d'affrontements entre princes hongrois vassaux des Turcs, et troupes valaques (bataille de Goroszló en août 1601, bataille de Braşov en 1603). Les Habsbourg ravagent finalement la Transylvanie mais leurs lignes, trop étendues, ne leur permettent pas de s’y établir sans disposer de la place de Buda. Les Ottomans, en difficulté dans leur guerre avec la Perse, acceptent finalement, pour fixer la frontière du Danube, de signer le Traité de Zsitvatorok le 11 novembre 1606. Ce traité, qui met un terme au tribut annuel imposé jusque-là au Saint Empire, constitue ainsi une victoire stratégique des Habsbourg.
Après l'échec des pourparlers en vue d'une paix durable entre l’Empire ottoman et le Saint Empire, le grand vizir Ahmed Köprülü réunit le 12 avril 1663 une armée d'invasion d'environ 100 000 hommes à Edirne. Son objectif, Buda, est atteint fin juin. Le 7 août, les Turcs vainquent l'armée impériale autrichienne dans la région de Gran.. Le Grand Vizir entreprend le 8 mai 1664 une nouvelle campagne contre l'empire des Habsbourg. Une partie des forces impériales, sous les ordres du général Montecuccoli, tente sans succès de s'emparer du fort de Canischa avant d’affronter les Turcs. Montecuccoli décide de se replier. Comme les Turcs s'approchent, il arrive des renforts de toute l'Allemagne : de Bavière, de Souabe, du Hanovre, de Westphalie, de Franconie et même un corps auxiliaire français. Ces troupes, environ 25 000 hommes, prennent position le 30 juillet 1664 autour de Mogersdorf, les Turcs ayant établi leur camp à Saint-Gothard. Comme les Impériaux s'étaient hâtés de franchir le fleuve Raab, le Grand Vizir Ahmed Köprülü, persuadé que toutes les troupes ennemies n'étaient pas encore parvenues à Mogersdorf, fait mettre son armée en ordre de bataille. Après une nuit de tirs d’artillerie, 12 000 Turcs partirent à l'assaut au matin du 1er août. Au terme d'un sanglant combat qui dura dix heures, Montecúccoli sortit vainqueur : les Turcs venaient de perdre leur réputation d'invincibilité, car pour la première fois une de leurs armées était défaite en bataille rangée par une armée occidentale. Le 10 août 1664, l’empereur Léopold Ier et le Grand vizir Ahmed Köprülü concluent une trêve de 20 ans, la Paix de Vasvár. Les deux belligérants, en effet, avaient désormais d'autres soucis : le Grand vizir veut mettre un terme à la guerre avec Venise autour de la possession de la Crète, qui dure depuis 19 ans; l'empereur peutt, lui, enfin se retourner contre le roi de France Louis XIV, dont l'expansionnisme menace les marches occidentales du Saint Empire.
Pourtant, en 1682, au terme de presque 20 ans, la guerre éclate de nouveau. Encouragé par Louis XIV et les premiers succès de la rébellion anti-habsbourg des Kurucs menée par le prince Imre Thököly en Haute Hongrie le sultan Mehmed IV marche le 31 mars 1683 avec près de 150 000 hommes depuis Edirne sur Belgrade, qu’il atteint début mai. Ce n’est que le 27 juin que le sultan décide que Vienne sera le but de cette campagne. Pendant ce temps, le général des Impériaux, le duc Charles de Lorraine, partit à l'assaut des forteresses de Neuhäusl et Gran, en Haute Hongrie, se replie avec 30 000 hommes à Vienne, surveillant avec sa cavalerie la rive nord du Danube tandis que son infanterie est commise à la défense de la ville. Le 14 juillet 1683, le siège commence et dure deux mois. Au matin du 12 septembre, une armée de secours forte de 80 000 hommes, commandée par le roi de Pologne Jean III Sobieski et le duc Charles de Lorraine, attaque les assiégeants et les défait.
En 1684, le Saint Empire, le royaume de Pologne et Venise forment la Sainte Ligue. La République de Venise reprend en 1684 repris aux Ottomans la presqu'île de Morée (Péloponnèse).Charles de Lorraine entreprend une nouvelle campagne contre Buda. Mais ce n'est que lors de la campagne suivante que, le 2 septembre 1686, les troupes de la Ligue s'emparent de Buda. De là, elles peuvent année après année libérer le royaume de Hongrie.
Désormais le Saint Empire prend le dessus sur l’Empire ottoman.
Mais à la fin du XVIIe siècle, l'Empire ottoman est entré dans une période de déclin. Au cours de plusieurs conflits, il perd tous ses territoires au nord de la mer Noire, dont la péninsule de Crimée, au profit de la Russie. Cette dernière cherche par ailleurs à saper l'autorité de Constantinople en revendiquant le droit de protéger l'importante minorité orthodoxe vivant dans les provinces européennes de l'Empire ottoman. De leur côté les puissances européennes interviennent de plus en plus dans les affaires intérieures de l’empire ottoman sous le prétexte officiel de protéger les minorités chrétiennes.
Après l’écrasement de la révolte des Grecs en 1821, l'empereur Nicolas Ier estime que la défense des chrétiens contre les agressions musulmanes es plus importante que les considérations sur la souveraineté de l'Empire ottoman. Les autres puissances européennes font pression sur le sultan Mahmoud II qui refus en 1827 le traité de Londres prévoyant une large autonomie pour les provinces grecques ce qui provoque une nouvelle guerre russo-turque et l'armée ottomane est écrasée lors de l'offensive de 1829. Alors que les forces russes approchaient de Constantinople, l'effondrement de l'Empire ottoman semble imminent. Nicolas Ier ne poursuit pas son avancée.
En 1830, la Grèce, soutenue par les puissances occidentales, obtient son indépendance. Cette même année la France commence la conquête de l’Algérie et le début d’une réimplantation chrétienne.
La France et le Royaume-Uni craignent que l'Empire ne devienne un vassal de la Russie, ce qui aurait bouleversé l'équilibre des puissances en Europe. Les tensions sont accrues par les disputes entre chrétiens occidentaux et orientaux pour le contrôle des lieux saints en Palestine. Les Russes utilisent ce prétexte pour exiger d'importantes concessions de la part des Ottomans mais ces derniers, soutenus par les puissances occidentales, refusent et la guerre éclate à l'automne 1853. Les Russes et les Ottomans s'affrontent dans le Caucase et dans le delta du Danube tandis que le refus de Saint-Pétersbourg d'évacuer les principautés danubiennes sous souveraineté ottomane provoqua l'entrée en guerre des Français et des Britanniques. Craignant une intervention autrichienne aux côtés des Alliés, le tsar Nicolas Ier ordonne l'évacuation des Balkans à l'été 1854. Désireux de réduire la puissance militaire russe dans la région pour l'empêcher de menacer à nouveau l'Empire ottoman, l'empereur français Napoléon III et le Premier ministre du Royaume-Uni Lord Palmerston décident d'attaquer la base navale de Sébastopol où se trouve la flotte russe de la mer Noire.
L'Empire est incapable d'empêcher l'indépendance de plusieurs pays des Balkans, perdant de plus en plus de territoires en Europe.
Avant la première insurrection serbe en Serbie, la communauté musulmane comporte quelques centaines de milliers de fidèles[3]. Après le retrait ottoman du territoire redevenu serbe, on compte plusieurs destructions des édifices religieux musulmans et l'émigration à grande échelle de la population musulmane (d‘origine serbe majoritairement). Le 22 novembre 1862, à la conférence internationale de Kanlidži, à Bosphore, est ordonné le nettoyage des Serbes musulmans. De nombreux musulmans de Bosnie sont là en tant que réfugiés ou déplacés de Novi pazar en Sandjak (« vieille Serbie »), pas encore en Serbie. Dans la Bosnie Kostajnica, fin 1862, et début 1863, les musulmans migrent de Valjevo, Sabac, et principalement Uzice (Bosanska Kostajnica). Beaucoup de musulmans fuient également la Serbie, en 1862 et 1863, pour Zvornik, alors dans le pacha de Bosnie Dom.
Dès janvier 1876, il est mis en difficulté par une insurrection bosniaque, qui se conjugue avec un vaste soulèvement en Bulgarie et dégénère en conflit militaire entre la Russie et l'Empire ottoman
L'année 1881 qui est celle de l'instauration du protectorat français sur la Tunisie, marque un tournant dans l'histoire de Tunis. La ville entre dans une ère de mutations rapides qui la transforment profondément en deux ou trois décennies. Tunis voit sa population s'accroître avec l'implantation de populations européennes chrétiennes qui arrivent presque à égalité en importance avec la population locale. L’année suivante est celle de la mise en place du protectorat anglais sur l’Egypte qui va également entrainer l’arrivée de populations européennes chrétiennes mais également améliorer le sort des chrétiens coptes du pays.
À la régence de Tripoli sous l'Empire ottoman, succède, à partir de 1911, la colonie italienne de Libye et en 1912, profitant du déclin du pouvoir au Maroc, la France et l’Espagne le place sous protectorat.
Cette même année 1912 en octobre, la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et le Monténégro déclarent conjointement la guerre à l'empire ottoman et remportent la victoire. Le 3 décembre 1912, l'empire demande l'armistice, mais les hostilités reprennent brièvement au printemps 1913. L'hégémonie turque en Macédoine s'achève cependant avec ce conflit.
Au cours de la Première Guerre mondiale, a lieu un massacre d’environ 1,5 millions de sujets Arméniens de l’empire ottoman suspects d’être favorable aux ennemis anglais , français ou russes ce qui va diminuer une première fois la part des Chrétiens de Turquie. La Turquie se lance dans une politique d'homogénisation religieuse.
Après la Première Guerre mondiale qui entraine la fin des empires allemands et autrichiens ainsi que de leur allié l’empire ottoman, la côte égéenne de Turquie est occupée par les Grecs et les Italiens en 1919. Le traité de Sèvres de 1920 confie l’Administration provisoire de l’Anatolie à la Grèce et place ses territoires arabes (Syrie, Palestine, Liban, Irak, Arabie) sont placés par décision de la Société des Nations sous mandats britannique et français Quatre mandats sont créés en 1922, le gouvernement de la Palestine et de l'actuel Irak revenant aux Britanniques, les Français se voyant attribuer celui sur le Liban et la Syrie.
à suivre VII
7. Reconquêtes islamiques en Afrique du Nord et au Proche Orient et émigration des Chrétiens